ADELE: une digitalisation inopportune des élections

Les élections communales approchent. J’ai été désigné comme président de bureau, mais cette fois-ci, seulement “suppléant”. Cela veut dire que je dois être prêt à être désigné en dernière minute (entre 6h30 et 8h00 le jour des élections), mais que normalement je ne serai pas en charge d’un bureau.

La charge de président suppléant nécessite de suivre la formation de président.

Lors de la formation, j’ai posé la question au président du bureau principal à propos du “caractère aléatoire” du choix des président de bureau en accord avec le code des élections (voir mon blog “Président, encore une fois. Une chance sur un billiard!” ). Sa réponse a été de se retourner vers les responsables de la commune pour leur demander comment la liste avait été préparée. On savait déjà que l’esprit du code n’était pas respecté car ce sont toujours les mêmes qui sont désignés présidents, mais maintenant on sait aussi que la lettre du code n’est pas respectée. Le code prévoit que seul le président du bureau principal “[...] peut, de manière motivée, procéder aux désignations sans que le caractère aléatoire ne soit garanti.”. Or dans ce cas-ci, il n’était même pas au courant du caractère non-aléatoire et certainement il n’a pas motivé cette dérogation au code.

Malgré cette longue introduction à propos de l’aléatoire, mon billet est sur un autre sujet: la digitalisation inopportune.

Jusqu’aux dernières élections, à Bruxelles, le vote était dit électronique car il se déroulait de la manière suivante: l'électeur se présente au bureau, un assesseur vérifie sa carte d’identité et sa présence sur la liste (papier) des électeurs, l’électeur va dans l’isoloir où un ordinateur est présent, il fait son choix à l’écran (tactile) et imprime son bulletin de vote, le bulletin est introduit dans l’urne avec un lecteur de bulletin. Aucun des appareils électroniques servant au vote n’est relié au monde extérieur (wifi, bluetooth, internet, etc.)

La seule partie “électronique” était l’impression du bulletin. Aucun lien entre l’électeur, son bulletin et la comptabilisation du vote n’était possible.

Pour les élections communales, une nouvelle digitalisation a été introduite, elle s’appelle ADELE. Personnellement, j’y vois deux risques: en série au lieu de en parallèle et non-secret des votes.

En série au lieu de en parallèle:

Dans un bureau classique, il y a 7 membres: un président, un secrétaire et 5 assesseurs. Ils travaillent en parallèle. Un membre reçoit la carte d’identité, un autre coche dans la liste papier, un troisième aide les personnes qui ont des difficultés, un quatrième vérifie les procurations ou s’occupe des cas spéciaux, un cinquième rend les cartes et met le cachet “a voté”, etc.

La nouvelle procédure est la suivante: pour l'électeur rien ne change, pour le bureau: un assesseur vérifie la carte d’identité et la présence sur la liste (papier) des électeurs, la carte est passée au président et introduite dans ADELE, s’il y a une procuration, le président doit introduire différent éléments, s’il y a une remarque, le président doit l’introduire dans le même ordinateur, si l'électeur a besoin d’aide, le président introduit les détails dans l’ordinateur, si un témoin de parti se présente, le président introduit l’information dans l’ordinateur, etc.

D’après la Région bruxelloise, “ce dispositif devrait permettre de gagner du temps dans les bureaux de vote” et “il suffira qu'ils introduisent leur carte d'identité électronique dans un lecteur.”

D’après moi, le processus sera bien plus lent. Même si un processus informatisé est en place, la liste papier sera encore utilisée “au cas où”. Il y aura donc une double vérification: une papier et une électronique: perte de temps 1. Un journal écrit “Fini donc les bonnes vieilles (et fastidieuses) listes papier utilisées jusqu’à présent !” Faux! Les listes papier seront encore utilisées (une par bureau au lieu de deux). Mais cela peut être fait en parallèle et donc seulement petite perte de temps. Ensuite, la vérification de l’identité, l’encodage des procuration, la rédaction des incidents, les indications des personnes qui ont besoin d’aide pour voter, la liste des témoins et assesseurs, … doivent être réalisés par le président (lors de la formation, il a été suggéré de ne pas déléguer) sur l’unique ordinateur ADELE disponible. Donc tout ce qui prend du temps est fait en série. Même si l’ordinateur est rapide, ce qui se trouve “entre l’écran et le clavier”, c’est-à-dire le président, n’est pas superman. Comment peut-il réaliser toutes ces tâches pendant 10 heures consécutives (début 7h00, fin vers 17h00). Chaque fois qu’il y aura une question sur un procuration, arrêt des votes, chaque incident, arrêt des votes, pause pipi, arrêt des votes, une personne à besoin d’aide, arrêt des votes, etc.

Ma prédiction: des procédures de votes bien plus lentes et des files.

Non-secret des votes

Le nouvel ordinateur ADELE du président est relié au réseau et contient les listes d’électeurs ainsi que l’information à propos de leur statut (a voté ou non). Il n’y a pas de lien direct entre l’urne et cet ordinateur. Mais a posteriori, on pourrait créer un lien. D’un côté on a la clé USB de l’urne, avec les votes et l’heure exacte de ces votes, leur ordre, etc. De l’autre on a l’information (qui se balade sur le réseau) avec les électeurs, l’heure de leur vote, avec qui ils étaient dans la file, qui a aidé qui pour voter, etc. Il n’est pas très difficile de faire le lien entre les deux. Demandez à Facebook, Google et autres comment ils font pour “deviner” les préférences de chacun pour leur montrer des publicités ciblées. Cette gigitilisation ouvre la porte à la possibilité pour un acteur malveillant de trahir le secret des votes et donc de contrôler les votes.

Ma prédiction: personne ne fera attention à ce problème, jusqu’au jour où il sera trop tard (en espérant que ce jour n’arrive pas).


Je suis étonné que les articles de presse sur cette nouveauté soient simplement des copier-coller de la propagande régionale et qu’aucune analyse des implications n’est faite. Tristement, non, je ne suis plus étonné, juste déçu!


2024-10-13 9:30: A voté! J'ai voté ce matin. Pour l'anecdote, il y avait une file d'environ 30 à 40 personnes devant moi et cela a pris environ 25 minutes. En espérant pour le bon déroulement des élections que cette moyenne ne se reproduise pas le reste de la journée.

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