Pertes de la BNB: c’était prévu et nous payons!

La BNB: 3 milliards de pertes et encore 6 milliards à venir. Voir par example l’article de l’Echo: La perte de la BNB a dépassé 3 milliards d'euros en 2023.

1) C’était le but! C’était prévu!

2) Quis custodiet ipsos custodes?

3) Quatrième pouvoir?


1) C’était le but!

Les achats d’obligations gouvernementales avaient pour but de diminuer le coût des emprunts pour les États concernés. Il y a bien sur la fiction que ce n’est pas du financement des états parce que les obligations sont achetées dans le marché secondaire aux banques commerciales. Une fiction car les banques commerciales; achètent ces obligations sur le marché primaire à un prix surévalué uniquement parce qu’elles savent qu’elles peuvent les revendre à un prix encore plus surévalué aux banques centrales.

C’est d’une certaine façon un “pump and dump”. Si ce n’est que dans le “pump” le seul pompage est par les banque centrales et le reste sait que ce pump n’intervient que pour soutenir un actif de moindre qualité. Et quand arrive le temps du “dump”, il n’y a plus personne pour acheter, donc une perte.

Ces achats sont intervenus dans une période où ces banques centrales ont maintenu artificiellement les taux bas pour soutenir les états (et les chiffres économiques en général). Maintenir les taux artificiellement bas veut dire qu’ils seront relevés plus tard à un niveau “normal”, d’autant plus que ces taux bas vont créer naturellement une inflation supérieure. Phénomène accentué par des guerres dans des régions riches en énergie (pétrole, gaz). Ces guerres sont peut-être la seule part de ce post qui n’a pas été causé par les banques centrales. Mais revenons à nos investissements en obligations gouvernementales. Une hausse des taux veut dire baisse des prix, donc pertes pour les investisseurs. Ces pertes ne sont pas encore reconnues car la comptabilité ne se fait pas en valeur de marché. C’est les 6 “petits“ milliards des pertes supplémentaires “en cinq ans”.  Dire que c’est une perte dans le futur est bien sûr un mensonge, la perte est déjà là économiquement, mais il est possible de la cacher dans le bilan comptable encore quelques années.

J’ai utilisé le terme “nos” investissements, car il s’agit réellement d’un investissement fait par nous, les contribuables. Les profits de la BNB sont versés au trésor belge et représentent d’une certaine façon la rente de transfert de la part de notre souveraineté qui concerne le droit de battre monnaie. Donc la perte de 9 milliards est bien la nôtre, non pas celle d’une entité isolée qui ne nous concerne pas. La BNB est incorporée comme une société anonyme, mais par ses statuts et les règles de distribution des bénéfices, elle fait partie de notre patrimoine commun. [Art. 49. - Les bénéfices annuels sont répartis de la manière suivante : ... 4. le solde est attribué à l'Etat].

Et avec un gouverneur qui ne comprend pas ce qu’est une gestion des risques de taux dans une banque (ou qui est malhonnête et prend des décisions politiques plutôt que économiques), ce n’est pas étonnant. Voir https://multi-curve-framework.blogspot.com/2024/01/le-gouverneur-de-la-bnb-est-il.html

2) Quis custodiet ipsos custodes?

La BNB est à la fois une banque qui fait des investissements colossaux et un régulateur. Comme banque, elle agit d’une part comme un gestionnaire de fonds assez conservateur et d’autre part comme fond spéculatif. Le gestionnaire de fonds est pour l’investissement des réserves propres, les réserves de changes. Le fond spéculatif est pour les achat avec effet de levier d’obligations gouvernementales. Les fonds sont levés à court terme, les achats sont à moyen et long terme. Les risques sont des risques de liquidité et de taux. Le risque de liquidité est celui qui a entraîné la faillite de Dexia qui utilisait la même stratégie d’emprunter à court terme pour investir à moyen/long terme. Pour la BNB, on peut espérer, étant une banque centrale, qu’elle sera toujours en mesure d’emprunter à court terme à un taux “de marché”; ce risque ne c’est pas encore matérialisé. Le risque de taux provient de l’investissement à long terme à un taux fixe alors que les taux d’emprunt à court terme changent avec le marché; ces taux, donc le coût, ont fortement augmenté, d’où les pertes.

Ces pertes colossales ne sont pas une nouveauté dans l’histoire bancaire. On peut mentionner la crise des “saving and loans” aux Etats-Unis dans les années 80 et 90 et plus récemment la faillite de Silicon Valley Bank. Ce risque est bien connu et c’est pour cela que les banques commerciales sont contrôlées sur ce type de risques. Et les contrôleurs / régulateurs en Belgique sont … la BNB! Et oui, ce fond spéculatif est aussi le régulateur. Et qui contrôle ce que fait cette entité? La réponse est “personne”. Les institutions qui inventent les règles et contrôlent leur application ne sont soumises à aucune règle et aucun contrôle. Cette remarque vaut aussi pour les institutions financières internationales. En particulier la Banque des Règlement Internationaux (BRI-BIS) qui est l’institution qui à travers le Comité de Bâle propose les règles internationales mais qui n’est soumise à aucune d’elles. Faites ce que je dis, pas ce que je fais.

Si la BNB avait été soumise aux règles normales des banques, elle n’aurait pas passé les contrôles de risques depuis des années et serait en faillite aujourd’hui.

3) Quatrième pouvoir?

Ce qui est plus étonnant c’est qu’il semble qu’aucun journaliste ne comprenne le fond du problème (ou qu’ils ont peur de jouer le rôle de quatrième pouvoir). Pas un commentaire explicatif dans les articles de presse, juste un copié/collé des annonces de la BNB.

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